“ Alice, on va être en retard ! ”
Ma mère trépignait au bas de l’escalier depuis au moins une demi-heure. Nous avions rendez-vous en ville avec un de ses amis qu’elle n’avait pas revu depuis ses études supérieures, et comme vous pouvez vous en douter, elle était impatiente.
“ J’arrive, je suis prête ! ” répondis-je en vérifiant une dernière fois mon reflet dans le miroir de la salle de bain.
Exceptionnellement, je m’étais réveillé assez tard et ma toilette, aussi longue que d’habitude, avait largement dépassé le temps qui m’était accordé. Je repassais rapidement dans ma chambre et attrapais ma veste et mon portable. Puis, je dévalais les escaliers et me retrouvais nez à nez avec ma mère qui commençait à s’énerver.
“ Je t’attends dans la voiture, dépêche-toi un peu ”.
J’enfilais rapidement mes chaussures, et sans prendre le temps de nouer mes lacets, je rejoignais ma mère dans la voiture. Comme nous avions un peu plus de trente minutes de trajet, je me laissais aller contre l’appui-tête de mon siège et fermais les yeux. J’avais peu dormi la veille, m’étant couché aux alentours de quatre heures du matin quand il avait cessé de neiger. Une fois n’était pas coutume, j’avais dormi d’un sommeil profond, sans rêve. Je ne me sentais pas reposée pour autant. La voix de ma mère me tira du coton dans lequel je m’enfonçais peu à peu.
“ Bonjour Marc, c’est Catherine. Nous sommes partis et comme ça roule plutôt bien, on devrait arriver d’ici dix minutes. A tout de suite ! ”
Elle raccrocha. J’étais abasourdie ; dix minutes ! Il me semblait pourtant que nous venions à peine de monter dans notre véhicule !
Nous nous garâmes en douceur et nous descendîmes de la ford. Il faisait plutôt doux pour un mois de décembre, il y avait même quelques rayons de soleil qui perçaient notre ciel habituellement nuageux. La neige formait une épaisse couche moelleuse qui craquait à peine sous nos pas. J’aurais souhaité que cet instant dure à tout jamais, mais déjà nous arrivions au point de rendez-vous.
La place B. habituellement rose et fourmillante de touristes, avait un aspect qui n’était pas sans rappeler les nuages flottant au-dessus de notre tête. Je n’y avais pas remis les pieds depuis que mon père Francis m’avait montré son appartement. Il était magnifique, mais ne me donnait pas pour autant l’envie de venir vivre avec lui. Le divorce de mes parents dix ans plus tôt, avait été une période difficile, et je lui en voulais encore de nous avoir abandonnés, Thomas mon jeune frère et moi …
Ma mère accéléra brusquement le pas et agita le bras en l’air. Suivant la direction qu’elle m’indiquait, j’aperçus un homme qui se dirigeait vers nous. Je m’arrêtais net en découvrant son visage. Il était magnifique ; des cheveux noirs en bataille, un regard aussi pur que l’océan, et un sourire … J’ai aussitôt adoré cet homme que je ne connaissais pas.
Il nous rejoignit, et ma mère nous présenta. Je lui rendis son sourire chaleureux et lui serrait la main. Il était plus grand que moi, ce qui n’était pas un mince exploit vu mon mètre soixante-dix bien tassé.
“ Alors c’est toi Alice ? Ta maman m’a beaucoup parlé de toi, j’avais hâte de faire ta connaissance … ” dit-il après un silence bref, sans se départir de son sourire.